- 1Alex Croquet, boulanger engagé
- 2Myriam Pont, pêcheuse à pied
- 3Maëllie Poynard, le vrai goût des produits
- 4Christophe Dufossé, locavore jusqu'au-boutiste
- 5L'Union des Vignerons du sud de l'Aisne
- 6Alexandre Gauthier en son fief à Montreuil-sur-Mer
- 7Nicolas Castelain, précurseur des bières bio françaises
- 8Camille Delcroix, le goût des légumes du Marais de Saint-Omer
La gastronomie sublimée par nos artisans
8 portraits de métiers de bouche8 figures qui incarnent la générosité des coeurs et de l'assiette
Portrait n°1
Alex Croquet, boulanger engagé
Parce que le bon pain est bon pour la santéS’il y a bien un symbole de partage et de simplicité, c’est le pain ! Encore que, il y a pain et pain. Bien sûr, on vous parle ici du vrai pain, celui à la mie anarchique qui exprime la générosité du blé mûri au soleil, des céréales anciennes, du pétrissage long, des temps de levage dans le respect de l’art. « Fou de pain » c’est le surnom d’Alex Croquet ; il est surtout fou de qualité ! Zéro additif chimique et de l’eau dynamisée et des céréales sélectionnées, issues pour la plupart de la région, notamment pour l’épeautre et le petit épeautre qui proviennent du Moulin de Nicole à Bonneuil-les-Eaux dans l’Oise.
Dans sa boulangerie atelier de Wattignies près de Lille, il produit l’essentiel de son pain à l’aide d’un levain qu’il produit et conserve amoureusement. La complexité des arômes qui se développent dans son pain suffisent à convaincre de la qualité. « Je cherche une franchise aromatique, explique-t- il, le vivant doit transcender la céréale, pas s’asseoir sur son goût. Je ne veux pas que l’on sente ma main, mais simplement le goût de la céréale ».
Portrait n°2
Myriam Pont, pêcheuse à pied
Gardienne de nos gisements naturels de fruits de mer
Moules sauvages, moules de roche, coques, bigorneaux, salicornes, crevettes grises… Fournir un produit local de qualité c’est la mission que s’est donnée Myriam Pont, la paysanne des mers du Calaisis via la pêche à pied, un métier rare !
Les pêcheurs à pied des Hauts-de-France sont les seuls à travailler sur des gisements naturels. « On se voit comme des cueilleurs, notre métier n’a pas évolué depuis la Préhistoire », explique Jean-Christian son fils qui travaille dans l’entreprise familiale. « On cueille les moules avec une cuillère ou un râteau, on les nettoie sur place en les frottant avec le pied puis, en rejetant les plus petites, on étend le gisement comme si on les ressemait », ce qui a inspiré à Jean-Christian ce nom de Paysanne des Mers.
Gestion durable, donc, dans le même esprit des ateliers que Myriam anime à destination des plus jeunes pour les sensibiliser à la préservation des ressources naturelles. Les moules sont pêchées sur le littoral du Pas-de-Calais quand les coques proviennent de la Baie de Somme, le plus grand gisement d’Europe. L’amour de leurs produits transpire chez Myriam et Jean-Christian qui explique qu’il voulait déjà être pêcheur à pied à l’âge de 8 ans. Et quand on lui demande une recette, il propose sans hésiter de cuire les moules à la bière Ostrea brassée pour eux avec du sel et pensée pour accompagner les fruits de mer.
Portrait n°3
Maëllie Poynard
Des assiettes simples pour retrouver le vrai goût des produitsFemme cheffe, Maëllie Poynard a des convictions : revenir aux origines pour retrouver le vrai goût des produits et toutes leurs vertus vitales.
En pays d’Artois, au milieu des collines coiffées d’abbayes, de pierres levées et de mémoriaux immenses, elle a ouvert avec son mari Alexandre en mai 2022 son restaurant à Gouy-en-Artois qui ne pouvait que s’appeler Origine.
« On source de bons produits que l’on travaille sans les transformer, sans en dénaturer le goût. Camille Delcroix, le vainqueur Top Chef 2018 installé à quelques km parlerait de « simplexité », autrement dit « la complexité de faire simple » ». Cette femme chef qui s’affirme travaille avec des producteurs locaux comme Hélène des Jardins de la Sensée à Vis-en-Artois qui pratique une agriculture raisonnée produisant asperges, pois, choux ou fraises de pleine terre, mais aussi cosmos, tagètes-citron et autre mouron des oiseaux. Pour Maëllie, la région est vraiment le potager de la France. Les champs sont bien garnis, on peut y faire pousser ce que l’on veut. On a tout plus tard que dans le sud mais le goût est d’autant plus là et la nature est généreuse avec la région. Pour parfaire l’expérience Alexandre son mari, produit sa bière l’Origin’ale qu’il conçoit en fonction de la cuisine de Maëllie.
Portrait n°4
Christophe Dufossé
Locavore jusqu'au-boutiste et pédagogueDans un écrin de verdure, les façades de brique et pierres moulurées de la fin du XVIIème siècle du Château de Beaulieu à Busnes se reflètent sur l’eau des douves. Calaisien de naissance longtemps exilé loin de la région, Christophe est revenu s’installer ici, entre Béthune et Saint-Omer. Il a obtenu deux étoiles au Michelin en deux ans.
« C’est un vrai projet de vie, j’étais à Metz, j’ai eu envie de revenir me réancrer. Dans le domaine de 8 hectares, un potager et un verger – dont presque un hectare en permaculture – fournissent 70% de la consommation en fruits et légumes du restaurant et près de 100% des herbes fraîches. Ce que je veux c’est créer un écosystème complet autour du château en autarcie, » poursuit le chef.
Du côté de l’assiette, le produit local est la star. « Je me considère comme un restaurateur paysan. Le produit vit, il faut le cajoler, ne pas l’agresser ». Le chef travaille des produits d’exception comme le bœuf angus d’Arques, mais il sublime aussi et surtout les marqueurs locaux incontournables : tarte au maroilles, tourteaux et couteaux d’Opale, échalotes de Busnes, potjevleesch d’agneau aux légumes, endives de pleine terre. Toujours local, toujours de saison et toujours simple. En fait c’est la nature qui donne le ton, c’est elle qui est le chef.
Portrait n°5
L'Union des Vignerons du sud de l'Aisne
Association de bienfaiteursSaviez-vous que la région Hauts-de-France produit 10% du champagne français ? Un chapelet de 800 vignerons s’étire de Charly à Trélou, le long de la vallée de la Marne qui traverse le sud de l’Aisne. Parmi eux, un collectif de 10 maisons de champagne a vu le jour pour revendiquer un produit d’excellence et un accueil chaleureux du « nord ».
Ici, donc, à une heure de Paris par l’A4, les amateurs de champagne sont des avertis qui viennent chercher « un autre goût ».
Dix maisons familiales exploitant de petites parcelles sur une surface de 5 à 13 ha, se sont rassemblées. « Nous sommes fiers d’appartenir à un terroir qui élève 10% de l’AOC champagnefrançais dans la tradition et le respect de la nature » proclame Eric Lévêque, le Président de l’association, installé à Barzy. Répartis sur une trentaine de kilomètres dans la vallée de la Marne, ils ont même sorti un coffret prestige regroupant une cuvée de chaque membre. Champagne rime ici avec chaleureux et tous s’organisent pour recevoir eux-mêmes leurs hôtes. « C’est primordial, dit Eric, on aime passer un bon moment ensemble pour qu’ils se sentent bien et oublient leurs soucis quotidiens ».
Ils dévoilent le process, montrent les chais, expliquent les sols, l’exposition au soleil, la conduite des vignes et des assemblages qui forment les différentes facettes du métier. Certains ont ouvert un gîte, comme Leomie chez Hazard-Devavry à Condé-en-Brie. A Passy, Alain Navarre régale quant à lui les stars comme George Clooney…
Portrait n°6
Alexandre Gauthier en son fief à Montreuil-sur-Mer
Entre 3 km de remparts, moult tables et un précieux art de vivreC’est pour un déjeuner que Victor Hugo se rendit pour la première fois à Montreuil-sur-Mer et qu’il tomba sous le charme, au point d’en faire le décor de la première partie de ses Misérables. Ce décor qui a peu changé (d’ailleurs un spectacle son et lumière Les Misérables s’y déroule aujourd’hui chaque année), à l’abri de ses remparts, est aujourd’hui une halte choisie pour les gourmets de la région et d’ailleurs : les Anglais adorent ce temple de l’art de vivre à la française avec ses 40 restaurants, auxquels ils arrivent depuis Londres après un non moins pittoresque parcours le long de notre littoral d’Opale. Parmi toutes ces tables, les restaurants d’Alexandre Gauthier font figure de porte-étendard.
On ne présente plus ce Montreuillois de cœur et d’âme, fils de grand chef, né dans la grande cuisine et régulièrement appelé par le jury de Top Chef pour challenger les candidats. S’il a repris il y a 20 ans, la Grenouillère à la Madelaine-sous-Montreuil, restaurant de son père pour lequel il a reçu ses deux étoiles, cultivant à travers sa cuisine un hommage à la beauté de son environnement, c’est qu’il a la gastronomie de toute la région chevillée au corps. C’est d’ailleurs lui le parrain du label « Région européenne de la gastronomie » qu’ont obtenu les Hauts-de-France en 2023.
Mais on retrouve à Montreuil- sur-Mer même, d’autres de ses restaurants, comme le Froggy’s tavern – où l’immense rôtissoire qui s’étale sur les murs de l’ancien grenier à grain qui l’abrite est une incarnation du mantra de l’équipe « généreux, convivial et gourmand ». On s’y assoit à de grandes tablées, dedans ou en terrasse. Et l’Anecdote, où Alexandre Gauthier fait revivre les recettes oubliées de son père Roland. Encore une belle adresse à Montreuil-sur-Mer, qui s’ajoute au Patio, Pot-du-Clape, Cocquempot, Bistronome… et aux adresses du Touquet-Paris- Plage tout proche.
Portrait n°7
Nicolas Castelain, précurseur des bières bio françaises
Rien ne révèle plus la richesse d’un terroir qu’un produit simple et populaire comme la bière. Boisson phare de l’histoire des Hauts-de-France, elle est aussi la plus ancienne façon de consommer des céréales; mieux, à travers la fermentation, de les rendre plus facilement assimilables et d’en révéler les propriétés.
Les Hauts-de-France ont gardé la tradition des bières de garde fortes et généreuses apportées par les moines, et les bières Castelain à Bénifontaine près de Wingles en sont un témoignage vivant. Fondée en 1926, la brasserie familiale de Nicolas s’est fait connaitre en créant la bière Ch’ti, une bière de garde iconique à la forte personnalité. Depuis 1986, elle produit Jade, la première bière bio française, et vient de créer un écomusée dont le but est de transmettre le patrimoine brassicole régional.
Portrait n°8
Camille Delcroix
Révéler le goût des légumes du marais de Saint-OmerA Saint-Omer, le chef Camille Delcroix, vainqueur de Top Chef 2018 et lauréat 2022 du trophée Gault&Millau Cuisine de la mer, des lacs et des rivières, a installé son restaurant Bacôve, du nom de la barque traditionnelle des marais de l’Audomarois, nourriciers depuis le Moyen-Âge.
Camille est un enfant du pays. « Ma démarche, c’est celle de l’ancrage, explique-t-il. Ici, on est dans la capitale du chou-fleur d’été, alors je le décline sous toutes ses formes. Mais on fait aussi de l’artichaut, des fleurs de courgette, et tout ça sort du marais. Chez moi, il y a toujours un clin d’œil à la tradition culinaire des Hauts-de-France. On laisse toujours les moules-frites, mais aussi les harengs pomme à l’huile, la trilogie autour du maroilles. Ca fait partie de moi, donc ça fait partie de ma carte ».